Créer son entreprise est plus simple qu’il n’y paraît, notamment grâce au statut d’entreprise individuelle (EI). Accessible, rapide à créer et sans capital minimum, c’est la forme juridique préférée de nombreux indépendants et e-commerçants.
Mais sous cette apparente simplicité se cachent plusieurs régimes fiscaux qui changent tout : impôt sur le revenu ou sur les sociétés, abattement ou charges déductibles, cotisations calculées sur le chiffre d’affaires ou sur le bénéfice… Le bon choix peut faire la différence entre une activité rentable et une trésorerie sous tension.
Dans cet article, on vous aide à comprendre le régime fiscal de l’entreprise individuelle — ses options, ses impôts, ses cotisations — et à choisir celui qui maximise vos revenus tout en restant simple à gérer.
Qu’est-ce qu’une entreprise individuelle ?
L’entreprise individuelle (EI) est la forme juridique la plus simple pour exercer une activité professionnelle seule. Elle ne crée aucune entité juridique distincte : l’entrepreneur et l’entreprise ne font qu’un.
Depuis la réforme de 2022, ce statut est devenu plus protecteur : le patrimoine personnel est automatiquement séparé du patrimoine professionnel. Cela signifie qu’en cas de dettes, vos biens personnels (logement, véhicule, épargne) sont désormais à l’abri, sauf faute de gestion.
Les caractéristiques principales de l’entreprise individuelle
- Pas de capital minimum : vous pouvez démarrer avec 0 €.
- Formalités allégées : une simple immatriculation au registre adapté à votre activité (RCS, RM, URSSAF).
- Fiscalité transparente : les bénéfices de l’entreprise sont directement intégrés à votre revenu personnel, imposés à l’impôt sur le revenu.
- Cotisations sociales proportionnelles à votre activité, versées à l’URSSAF ou à la Sécurité sociale des indépendants (SSI).
- Adapté à de nombreux métiers : artisans, freelances, commerçants, créateurs de boutiques Shopify, professions libérales, etc.
🔎 Bon à savoir : l’entreprise individuelle ne doit pas être confondue avec la micro-entreprise, qui est une forme simplifiée de l’EI, réservée aux activités de petite taille et soumise à des seuils de chiffre d’affaires précis.
Les différents régimes fiscaux possibles en entreprise individuelle
Le régime fiscal détermine la manière dont vos revenus sont imposés et comment vos charges sont calculées. En entreprise individuelle, il existe trois grands régimes : le micro, le réel simplifié et le réel normal.
Le choix dépend du chiffre d’affaires, du niveau de dépenses professionnelles et de la complexité de votre activité.
Le régime micro (micro-BIC ou micro-BNC)
C’est le régime le plus simple et le plus léger administrativement.
Vous déclarez votre chiffre d’affaires brut, puis l’administration applique automatiquement un abattement forfaitaire pour estimer vos frais professionnels. Vous êtes imposé sur le résultat restant, sans avoir à justifier vos dépenses.
Fonctionnement concret
-
Micro-BIC : concerne les activités commerciales, artisanales ou e-commerce.
→ Abattement de 71 % pour les ventes de biens.
→ Abattement de 50 % pour les activités de prestations de services BIC
Exemple : un e-commerçant qui réalise 50 000 € de chiffre d’affaires sera imposé sur 29 % de cette somme (14 500 €).
-
Micro-BNC : pour les professions libérales et les prestations de services.
→ Abattement de 34 % sur le chiffre d’affaires.
Avantages
- Formalités ultra simples : pas de comptabilité complexe, une simple tenue du registre de recettes.
- Cotisations sociales calculées sur le chiffre d’affaires déclaré.
- Franchise possible en base de TVA sous certains seuils.
Inconvénients
- Impossible de déduire les dépenses réelles (pub, stock, logiciels, matériel…).
- Peu intéressant dès que les charges dépassent l’abattement forfaitaire.
Le régime réel simplifié
C’est le régime choisi par la plupart des entrepreneurs individuels dès que leur activité dépasse les seuils du micro ou qu’ils ont des frais professionnels conséquents.
Fonctionnement concret
- Vous êtes imposé sur le bénéfice réel : recettes – charges déductibles.
- Toutes vos dépenses liées à l’activité peuvent être déduites : achat de stock, publicité, abonnement Shopify, logiciels, frais de livraison, matériel, frais bancaires, etc.
- Vous tenez une comptabilité complète, mais allégée par rapport au réel normal.
Avantages
- Imposition plus juste : vous ne payez des impôts que sur votre bénéfice réel.
- Optimisation possible si vos charges sont importantes.
- Adapté aux activités e-commerce avec dépenses publicitaires élevées.
Inconvénients
- Plus d’obligations comptables : bilan, compte de résultat, livres de recettes et dépenses.
- Nécessite souvent l’accompagnement d’un expert-comptable.
Le régime réel normal
C’est le régime appliqué automatiquement lorsque le chiffre d’affaires dépasse certains seuils (ex. : plus de 840 000 € pour la vente de biens et 254 000 € pour les prestations de services).
Il fonctionne comme le réel simplifié, mais avec des obligations comptables et déclaratives plus lourdes : comptabilité d’engagement, TVA mensuelle, contrôle plus rigoureux des comptes.
Avantages
- Calcul fiscal précis et déductions intégrales de toutes les charges.
- Meilleure visibilité sur les performances de l’entreprise.
Inconvénients
- Complexité accrue, réservée aux structures avec un volume d’activité important.
Quel régime fiscal pour quel type d’entreprise individuelle ?
Chaque régime fiscal répond à une situation différente. Le bon choix dépend de votre niveau de chiffre d’affaires, de vos charges réelles et du degré de simplicité que vous recherchez dans la gestion de votre activité.
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Régime fiscal |
Adapté à |
Profil type d’entrepreneur |
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Micro (micro-BIC ou micro-BNC) |
Activités avec faible chiffre d’affaires et peu de dépenses |
Freelance, artisan ou e-commerçant qui débute et veut tester son idée sans lourdeur comptable |
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Réel simplifié |
Activités avec charges importantes mais structure légère |
E-commerçant ou prestataire de services établi qui investit dans le stock, la pub, ou des outils digitaux |
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Réel normal |
Activités générant un chiffre d’affaires élevé (au-delà des seuils du réel simplifié) |
Entreprise individuelle déjà développée, avec volume d’activité et flux financiers importants |
💡 En résumé : commencez simple avec le régime micro, puis passez au réel lorsque vos dépenses augmentent ou que votre chiffre d’affaires grandit.
Le régime fiscal selon le type d’activité : BIC, BNC ou BA
Avant de choisir votre régime fiscal, vous devez savoir dans quelle catégorie d’activité entre votre entreprise individuelle.
C’est ce qui détermine la manière dont vos bénéfices sont calculés et imposés : BIC, BNC ou BA.
Le régime BIC (bénéfices industriels et commerciaux)
Le régime BIC s’applique aux activités commerciales, artisanales ou industrielles, c’est-à-dire à la majorité des entreprises qui vendent des produits ou réalisent des prestations de service commerciales.
Exemples d’activités concernées
- Commerce de détail ou boutique en ligne (Shopify, Etsy, Amazon…).
- Vente de produits fabriqués ou transformés.
- Activités artisanales : boulanger, ébéniste, photographe, etc.
- Hébergement touristique (chambres d’hôtes, gîtes).
Ce qu’il faut retenir
- Les bénéfices sont calculés selon les règles des BIC, qu’il s’agisse du micro-BIC (abattement forfaitaire) ou du réel BIC (déduction des charges réelles).
- C’est le régime le plus fréquent pour les e-commerçants.
💡 Bon à savoir : si vous avez une boutique Shopify, vous relevez presque toujours du BIC.
Le régime BNC (bénéfices non commerciaux)
Le régime BNC s’applique aux professions libérales et aux activités intellectuelles ou de conseil. Ici, les revenus proviennent de prestations de service où la personne, et non la vente de biens, est au cœur de la valeur créée.
Exemples d’activités concernées
- Consultant, formateur, coach, graphiste, rédacteur, traducteur…
- Profession réglementée : avocat, architecte, kiné, expert-comptable.
Ce qu’il faut retenir
- En micro-BNC, vous bénéficiez d’un abattement de 34 % sur le chiffre d’affaires.
- En régime réel BNC, vous pouvez déduire vos frais réels (matériel, abonnement internet, logiciels, etc.).
- La comptabilité est généralement plus simple que celle d’un BIC.
💬 En résumé : le BNC concerne les métiers de service sans vente de biens physiques.
Le régime BA (bénéfices agricoles)
Le régime BA s’applique aux activités agricoles : exploitation, élevage, apiculture, production végétale, etc. Les bénéfices sont calculés selon des règles spécifiques fixées par le Code rural.
Exemples d’activités concernées
- Exploitant agricole, maraîcher, viticulteur, producteur de plantes aromatiques.
- Éleveur ou apiculteur.
🔎À noter : ce régime concerne rarement l’e-commerce, sauf en cas de vente directe de produits agricoles via une boutique en ligne.
Comment savoir à quelle catégorie vous appartenez ?
Votre catégorie fiscale dépend de la nature principale de votre activité, telle qu’elle est déclarée lors de l’immatriculation. En cas d’activité mixte (ex. vente + service), c’est le CA le plus élevé qui détermine la catégorie dominante.
💡 Astuce : vérifiez votre code APE/NAF sur votre extrait d’immatriculation — il indique votre catégorie fiscale (BIC, BNC ou BA).
Impôts, taxes et cotisations sociales en entreprise individuelle
Le régime fiscal d’une entreprise individuelle détermine non seulement la façon dont vous êtes imposé, mais aussi ce que vous versez à l’État et aux organismes sociaux.
Trois éléments sont à distinguer : l’impôt sur le revenu (ou sur les sociétés), les cotisations sociales, et les taxes annexes (TVA, formation, contribution économique territoriale).
1. L’impôt sur le revenu
Par défaut, les bénéfices d’une entreprise individuelle sont imposés à l’impôt sur le revenu (IR). Cela signifie que le bénéfice (chiffre d’affaires – charges) est intégré dans votre déclaration personnelle de revenus, dans la catégorie correspondant à votre activité (BIC, BNC ou BA).
Exemple concret
- Vous réalisez un bénéfice de 30 000 €.
- Ce montant s’ajoute à vos autres revenus (salaire, rente, etc.) pour calculer votre impôt global.
- Le taux dépend donc de votre tranche marginale d’imposition.
💡 Bon à savoir : depuis 2022, vous pouvez opter pour l’impôt sur les sociétés (IS). Dans ce cas, c’est l’entreprise qui paie l’impôt, et vous êtes imposé séparément sur ce que vous vous versez (salaire ou dividendes).
2. Les cotisations sociales
Les cotisations sociales financent votre protection (maladie, retraite, allocations familiales, formation). Elles sont obligatoires, et leur montant dépend du régime choisi.
En régime micro
- Elles sont calculées sur le chiffre d’affaires, avec un taux forfaitaire :
- 12,3 % pour la vente de biens (micro-BIC).
- 21,2 % pour les prestations de service commerciales et artisanales (micro-BIC)
-
24,6 % pour les autres prestations de services (micro-BNC), et 26,1 % à partir de 2026
- Vous payez même si vous réalisez peu ou pas de bénéfices, car le calcul ne tient pas compte des charges réelles.
En régime réel (simplifié ou normal)
- Elles sont calculées sur le bénéfice réel, donc après déduction des charges.
- Les taux varient selon votre revenu, mais tournent autour de 40 à 45 % du revenu net.
- Vous versez vos cotisations à l’URSSAF ou à la Sécurité sociale des indépendants (SSI), selon votre activité.
3. Les principales taxes à connaître
En plus de l’impôt et des cotisations, certaines taxes s’appliquent automatiquement aux entreprises individuelles.
La TVA (taxe sur la valeur ajoutée)
- Si votre chiffre d’affaires dépasse les seuils de franchise en base, vous devez facturer et reverser la TVA.
- Franchise possible si :
- Moins de 93 500 € pour la vente de biens.
- Moins de 37 500 € pour les prestations de service.
- Si vous dépassez ces seuils, vous entrez dans le régime réel simplifié ou réel normal de TVA. Attention, ces seuils vont peut-être changer en 2026 !
💡 Astuce : même en dessous du seuil, vous pouvez opter volontairement pour la TVA afin de déduire celle payée sur vos achats professionnels.
La CET (Contribution Économique Territoriale)
- Composée de deux parties :
-
CFE (Cotisation Foncière des Entreprises), due chaque année dès la 2ᵉ année d’activité.
CVAE (Cotisation sur la Valeur Ajoutée des Entreprises), supprimée progressivement pour les petites structures.
-
CFE (Cotisation Foncière des Entreprises), due chaque année dès la 2ᵉ année d’activité.
- Le montant dépend du lieu d’implantation et de la surface utilisée.
La CFP (Contribution à la Formation Professionnelle)
- Prélevée automatiquement avec vos cotisations URSSAF.
- Elle vous ouvre le droit à financer des formations professionnelles via le CPF.
Peut-on opter pour l’impôt sur les sociétés (IS) en entreprise individuelle ?
Depuis la réforme de 2022, les entrepreneurs individuels peuvent choisir d’être imposés à l’impôt sur les sociétés (IS). Cette option, auparavant réservée aux sociétés comme les EURL ou SASU, permet à l’entreprise individuelle d’adopter un fonctionnement plus proche d’une société classique, sans en changer la forme juridique.
Comment fonctionne l’impôt sur les sociétés (IS)
Quand vous optez pour l’IS :
- Ce n’est plus vous, mais votre entreprise qui paie l’impôt sur ses bénéfices.
- Vous devenez alors “dirigeant” au sens fiscal, et non plus simple exploitant individuel.
- Vous pouvez vous verser une rémunération, déductible du résultat de l’entreprise.
- Les bénéfices non distribués restent dans l’entreprise, et ne sont pas imposés à votre nom tant qu’ils ne vous sont pas versés.
Quels sont les taux d’imposition à l’IS ?
- 15 % sur la part du bénéfice jusqu’à 42 500 €.
- 25 % au-delà.
Ensuite, si vous vous versez :
- un salaire, il sera imposé à l’impôt sur le revenu comme un revenu classique ;
- des dividendes, ils seront soumis à la flat tax de 30 % (12,8 % d’impôt + 17,2 % de prélèvements sociaux).
💰En résumé : avec l’IS, vous pouvez lisser votre imposition en jouant sur la répartition entre salaire et dividendes.
Exemple concret :
Julie gère une boutique Shopify qui dégage 60 000 € de bénéfices par an.
- En restant à l’IR, ce bénéfice s’ajoute à ses revenus et la place dans une tranche à 30 %, soit environ 18 000 € d’impôts.
- En optant pour l’IS, son entreprise paie 15 % d’impôt sur les 42 500 premiers euros et 25 % sur le reste, soit environ 10 000 €.
Elle se verse ensuite un petit salaire et garde le reste pour investir dans la publicité et le stock : résultat, plus de trésorerie et un impôt global réduit.
Comment choisir le bon régime fiscal pour votre entreprise individuelle ?
Le bon régime fiscal dépend avant tout de votre chiffre d’affaires, de vos charges réelles et de la maturité de votre activité. Voici quelques repères simples pour orienter votre choix.
Choisissez le régime micro si…
- Vous débutez votre activité ou testez un concept.
- Vos charges réelles sont faibles (logiciels, site, peu de stock).
- Vous privilégiez la simplicité administrative avant tout.
Choisissez le régime réel simplifié si…
- Vous avez des dépenses importantes : publicité, stock, matériel, prestataires.
- Vous souhaitez déduire vos frais réels pour réduire votre impôt.
- Vous commencez à avoir une activité stable et régulière.
Optez pour l’IS si…
- Votre activité génère des bénéfices confortables et réguliers.
- Vous voulez optimiser votre fiscalité ou réinvestir vos profits.
- Vous êtes prêt à tenir une comptabilité complète.
→ Commencez simple, ajustez ensuite ! Votre régime fiscal n’est pas figé : vous pouvez évoluer vers un régime réel ou opter pour l’IS au fil de la croissance de votre entreprise.
FAQ sur le régime fiscal de l’entreprise individuelle
Quel est le régime fiscal d’une entreprise individuelle ?
Par défaut, l’entreprise individuelle est soumise à l’impôt sur le revenu (IR). Les bénéfices de l’activité sont ajoutés aux autres revenus du foyer fiscal, dans la catégorie correspondant à l’activité : BIC (commerce ou artisanat), BNC (professions libérales) ou BA (agriculture). Depuis 2022, il est aussi possible d’opter pour l’impôt sur les sociétés (IS).
Quelle est la différence entre micro et réel ?
Le régime micro s’applique aux petites activités avec peu de frais. L’imposition est calculée sur le chiffre d’affaires après un abattement forfaitaire. Le régime réel, lui, repose sur le bénéfice réel : vous déduisez vos charges professionnelles réelles, mais devez tenir une comptabilité complète.
Quel régime fiscal choisir pour un e-commerçant ?
Si vous démarrez votre boutique Shopify, le micro-BIC est souvent suffisant pour tester votre activité.
Peut-on changer de régime fiscal ?
Oui. Vous pouvez passer du micro au réel (ou inversement) en le demandant à l’administration avant le 1er février de l’année concernée. L’option pour l’IS, en revanche, est irrévocable.





